A l’échelle nationale, les Régions promettent d’engager 7 millions d’euros pour soutenir la mise en place et l’entretien de systèmes agroforestiers dans leurs territoires ruraux. En Pays de la Loire, cet investissement devrait grimper jusqu’à 1 million d’euros sur la période 2014-2020, l’objectif étant d’atteindre un volume de plantations de 400 hectares, notamment en intraparcellaire.
Après une longue phase de régression, l’agroforesterie, qui consiste à faire cohabiter l’arbre et les cultures dans les champs, renoue avec son époque et amorce un lent processus de réintroductions en France et à l’echelle plus large du continent européen. Cette forme d’exploitation, attestée depuis l’Antiquité, avait irrémédiablement cédé du terrain au XXème siècle devant la généralisation des pratiques intensives corrélées à la mécanisation des techniques agricoles. Un repli que Christian Dupraz, chercheur à l’Inra et spécialiste de l’agroforesterie, est parvenu à quantifier : en quelques décennies seulement, le nombre d’arbres complantés dans les parcelles agricoles françaises a été divisé par trois, passant de 600 millions en 1950 à 200 millions dans le courant des années 2000 (source : émissions Terre à terre sur France Culture, 30 août 2008).
Entre-temps, un regain d’intérêt s’est manifesté chez certains agriculteurs eux-mêmes soucieux de diversifier leurs productions et d’améliorer leur rendement dans un respect plus strict de la biodiversité et de l’environnement. Ce premier élan a été conforté par des études d’expert démontrant que l’agroforesterie, conciliable avec de nombreux systèmes d’exploitation (maraichage, vigne, grande culture), permet de maintenir le revenu annuel des exploitants, autant qu’elle participe à l’effort d’atténuation des gaz à effet de serre et contribue à adapter la production agricole aux conséquences du changement climatique.
Lorsqu’elle est dite « intraparcellaire », l’agroforesterie se signale dans les paysages par des alignements d’arbres à l’intérieur d’une même parcelle. Ce mode d’exploitation a un intérêt économique : aux productions traditionnelles s’ajoute celle de bois d’œuvre à même de compenser les éventuelles pertes de rendement dont les autres cultures seraient cycliquement amenées à souffrir. Pour ne rien gâcher, l’arbre immobilise du capital (sur pied) et donne de la valeur à une exploitation agricole (50 arbres par hectare de feuillus précieux représenteraient un minimum de 15 000 euros/ha, selon Bocage Info).
Autre exemple de combinaison possible : dans les fameux pré-vergers de Normandie ou du Dauphiné, les arbres fruitiers, pommiers, noyers ou amandiers, sont associés à la prairie et aux animaux d’élevage.
La pratique agroforestière présente d’autres avantages d’ordre écologique et agronomique qui conditionnent aussi la rentabilité de cette forme de production : les sols sont mieux fertilisés et les ressources hydriques mieux gérées.
Filtre
Le système racinaire qui se déploie en profondeur entre chaque ligne d’arbres agit comme un filtre capable de retenir les nitrates et limiter la pollution des nappes phréatiques.
Erosion
En cas d’inondations, les parcelles agroforestières ralentissent les courants et modèrent l’érosion des terrains.
Carbone
Grâce à son enracinement profond et l’incorporation au sol de ses feuilles mortes, l’arbre fixe et diffuse davantage de carbone dans l’environnement et enrichit la terre cultivée de matières organiques.
Chaleur et sécheresse
En été, lorsque le thermomètre grimpe et que l’eau manque, le système agroforestier diminue le taux d’évapotranspiration des végétaux. Le dessèchement des cultures évolue moins rapidement et leurs besoins en eau est réduit jusqu’à 30%.
Résistance
La proximité avec les cultures intercalaires conduit l’arbre à s’enraciner plus profondément, ce qui renforce sa résistance à la chaleur et accélère même sa croissance.
Biodiversité et réchauffement climatique
La présence d’arbres favorise le retour de certains prédateurs qui font barrage à la prolifération de certains insectes nuisibles. Un exemple : si la chauve-souris chasse rarement en terrain découvert, c’est que ce milieu ne sied guère à son système d’orientation par échololocation (la répercussion de ses ultra-sons sur les éléments en reliefs lui permet de se guider).
Si l’agroforesterie suscite un intérêt croissant auprès des acteurs agricoles comme des décideurs publics, c’est qu’elle s’affirme comme une solution d’avenir pour résister aux effets du changement climatique : avec quatre épisodes caniculaires entre juin et août, l’été 2017 s’est révélé proche, en intensité, des records déjà établis en 2003 et 2015 (source : Météo France). Des projections réalisées cette année par le Cerfacs (Centre Européen de Recherche et de Formation avancée en calcul scientifique) et compilées dans une étude parue en septembre, évoquent la perspective de pics de chaleur supérieurs à 50 C° dans certaines régions françaises d’ici la fin du siècle.
Dans ce contexte, l’agroforesterie offre, à courte échéance, des possibilités d’adaptation ponctuelles (ombrage et micro-climat) et, à moyen et plus long terme, des capacités réelles, sinon pour enrayer, du moins pour atténuer les excès de températures. De nombreuses recherches ont notamment prouvé que les arbres disposent de cette faculté à séquestrer les gaz à effet de serre en partie responsables du réchauffement de l’atmosphère : Le Convention-cadre des Nations-Unis sur les Changements Climatiques (CNUCC) a mesuré, pour chaque arbre, une capacité moyenne d’absorption de 10 kilogrammes de CO2, mais cette valeur annuelle évolue à la hausse ou à la baisse en fonction des essences utilisées, de leur exposition à la lumière ou encore de la qualité des sols exploités. Des sources gouvernementales canadiennes évoquent un potentiel de 266 kilogrammes pour un peuplier à maturité, de 63 kg pour un frêne vert et de 143 kg pour l’épinette blanche.
Nous reviendrons sur l’ensemble de ces propriétés dans un prochain article : Quelles essences forestières pour résister au changement climatique ?
Bonjour,
Je vous remercie pour ce site et des informations apportées. En effet, je suis KUNIBOUO, étudiant en thèse d’économie travaillant sur les questions d’agroforesterie. A cet titre, je trouve intéressant certaines informations dans cette publication qui pourront être utilisées dans ma redaction. Ainsi, je demande à avoir les références bibliographiques qui ont servit à la rédaction.
Cordialement