L’envers du haricot

Avec ses 1 500 variétés homologuées en Europe (et plus de 14 000 cultivars répertoriés à travers le monde), la famille du plus célèbre des légumes verts n’a, en volume, rien à envier à la Maison Windsor. Dans cette véritable jungle –ça tombe bien, car le haricot descendrait d’une liane – il est d’autant plus difficile d’y voir clair que les critères de distinction entre les individus sont extrêmement nombreux. Une petite visite guidée dans la caverne foisonnante de géant vert s’impose donc.

Parchemin, filet, Mangetout, nain… le champ lexical qui entoure le monde bien particulier du haricot ferait presque penser à une émission de Fort Boyard. Il faudrait inventer un inventaire à la Prévert, un abécédaire pour cerner son univers, découvrir le revers et l’avers de son verbe vernaculaire, tant les nuances, les qualificatifs, les couleurs sont riches, subtiles et parfois même très complexes :

Le « parchemin » désigne ici une petite membrane fibreuse qui se forme à l’intérieur de sa gousse, là où la future semence se loge bien au chaud, en rang bien ordonné. À l’origine, tous les haricots développaient cette pellicule qui rendait leur fruit –ou la cosse – impropre ou très désagréable à la consommation parce qu’elle les durcit : à force de sélections opérées par des obtenteurs au fil des décennies, voire des siècles, de nombreuses variétés en sont aujourd’hui dépourvues (certaines, essentiellement cultivées pour leurs graines ou prélevées très jeunes pour éviter que leurs enveloppes ne produisent ces ficelles, les ont conservés, à l’instar du coco nain blanc ou du Saint-Esprit, tous deux à écosser*).

Après le téléphone, le haricot sans fil

Le terme « filet » regroupe ces genres de haricots récoltés précocement –donc pour les déguster avec la gousse – afin d’en tirer une qualité gustative maximale. Leurs caractéristiques : des enveloppes vertes et juvéniles, longues et fines, qui « prennent le fil » lorsqu’on ne prend pas soin d’elles (gare à ne pas les laisser vieillir !). Quelques sujets types : Aiguillon, Triomphe de Farcy… Précision : pour simplifier la tâche des jardiniers et satisfaire toujours plus les mangeurs de haricots, des variétés « à filet et sans fil » ont été élaborées. Elles sont proches des…

« Mangetout » ! Ici, pas de fil ni parchemin. Tout se mange et pas forcément en bas-âge. Il est possible ici de laisser mûrir la plante : les gousses qui résultent de ce processus sont plus grosses, vertes, violette ou jaune selon les gammes, mais moins longilignes que leurs homologues « à filet ». Les têtes d’affiches de la catégorie ? Matilda, Argus, Crockett, Mistik, entre beaucoup d’autres.

Et le nain ? Le qualificatif est explicite et sa signification assez simple. Il vise toutes les variétés « à filet », mais aussi certains « Mangetout » récoltés tôt, donc pas très grands : en culture, leur taille ne dépasse en effet pas 60 centimètres de hauteur.

On oppose généralement ces haricots nains aux haricots « à rames » qui sont des plantes tardives et grimpantes (2 à 2,5 mètres !, d’où le nécessité de les tuteurer). Parmi ces dernières, on trouve certains « Mangetout » comme Phénomène et l’Or du Rhin (ou Merveille de Venise, reconnaissable à ses gousses plates et platines), et certaines autres à écosser (Alaric).

Pour faire œuvre de clarté, on peut ainsi considérer que le haricot vert classique ou le haricot beurre à l’enveloppe claire, sont les fruits immatures du phaseolus vulgaris. : à l’inverse, le haricot sec qu’on extrait de sa gousse pour le consommer désigne la graine issue de la même espèce, récoltée à un stade de croissance beaucoup plus avancé, voire à complète maturité.

Des variétés blanches, dont certaines tirent sur l’émeraude comme un chewing-gum en comprimé à la chlorophylle (flageolet), ont d’ailleurs reçu un qualificatif populaire (fayot) qui ravive certains souvenirs rassis de cantine scolaire.

Le haricot pour les nouilles

D’autres ont associé leur nom à la spécialité culinaire d’une région et font même l’objet d’une Indication géographique Protégée, comme la Mogette de Vendée, un haricot blanc majoritairement tiré d’une variété particulière, le lingot (mais il y en a d’autres).

 

Quant aux haricots rouges, aliments phares et historique des plats américains, ils se caractérisent généralement par une texture moelleuse qui révèle un goût plus aigu que celui de leurs homologues au visage pâle. Cette gamme très connotée tex-mex, dont le cultissime chili con carne demeure l’incontournable référence, se décline pourtant en une série de cultivars aux origines géographiques très diverses, de climats toujours extrêmement chauds comme l’Inde d’où provient le « Red Kidney », un haricot à la robe pourpre sombre et d’allure presque chocolatée, qui entre souvent dans la composition du fameux ragoût… mexicain !

Pour rappel, et d’un point de vue strictement nutritionnel, le haricot vert ou beurre (qu’on mange avec la gousse) entre -sans surprise – dans la catégorie des légumes, quand le haricot sec (dont on extrait seulement les graines) émarge au rang des légumineuses. La différence ? L’apport calorique du second (60% de glucides, 21% de protéines) l’intègre sur la liste des féculents, au même titre que les pâtes, le riz ou la semoule.

Au jardin, le phaseolus vulgaris apprécie les milieux tempérés à chaud (une terre à 12 degrés minimum lui est nécessaire pour germer). Son calendrier de culture débute rarement avant mai, pour un semis qui peut s’opérer jusqu’à la mi-juillet et des récoltes à prévoir du milieu de l’été à mi-octobre (voir détail nos conseils de production au potager).

En conclusion, le haricot s’éparpille en une immense nébuleuse au sein de la galaxie des fabacées, une lignée qui accouche de beaucoup d’autres grains secs, comme le pois ou la lentille. Le fruit caractéristique de ces légumineuses est la gousse, enveloppe qu’on déguste lorsque la plante est cuisinée sous la forme de haricot vert ou beurre, avec les semences juvéniles contenues à l’intérieur. À un stade de croissance plus tardif, on écosse la gousse pour obtenir des graines à l’état pur, de couleurs différentes selon les variétés (blanches, rouge ou vert pâle). Entre haricot à parchemin, haricot nain, haricot Mangetout, haricot à rames, haricot filet, haricot sec, vert ou beurre, haricot à rames sans parchemin, haricot à écosser à rames et à parchemin, haricot nain avec parchemin à consommer en filet… les combinaisons semblent infinies. Y a-t-il encore de la place pour… le haricot magique de Jack ou Dragon Ball ?

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. hillembrand dit :

    J »apprécie beaucoup toutes ces infos
    Merci à vous

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